top of page
  • Photo du rédacteurIsabelle Bonvalot

Hommage à Thierry Manouck : l’ami, le joueur, le « druide » par Gilbert Grimberg




Dans le microcosme parisien des échecs, fin des années 70 et ensuite, difficile de ne pas se croiser et s’affronter dans les 2 tournois de blitz hebdomadaires, celui du Chess Max le vendredi et celui de CaÏssa le samedi après-midi, dirigé par la grande figure de Mme Chaudé, sans parler des rapides franciliens. Et cependant, malgré les innombrables occasions de mieux se connaître et malgré des amis communs, la véritable rencontre eut lieu plus tard, car nos points de départ absolument différents, et nos personnalités insuffisamment travaillées, l’imposaient. C’est seulement nos recherches personnelles des vérités les plus hautes qui nous ont réunis inévitablement, inéluctablement. Vérités au-delà de ce que peuvent offrir les sciences matérialistes (malgré leurs prouesses technologiques), les théories psychologiques de toutes obédiences, les discours binaires de pouvoir (comme le marxisme), donc connaissance sublime et spirituelle, sans flou, avec des concepts clairs, précis, scientifiques. Cela est offert à qui ne se laisse pas soumettre, impassible face aux certitudes mondaines et risibles du siècle.

Mon premier souvenir de Thierry jeune et châtain, chevelu et barbu, jaillit, intemporel : d’Artagnan ! Et le dernier : le druide, Panoramix !

Portrait personnel du joueur : Manouck alliait la rigueur dans sa stratégie, aussi originale que sa personnalité, au sens du combat, ce qui en a toujours fait un adversaire redoutable ; ami des félins, Thierry, rusé tel le tigre, en avait la souplesse. A la même époque, nos 2 premiers maîtres internationaux, Aldo Haïk et Nicolas Giffard (au score étonnant contre Manouck : +5, =5, -5) n’étaient pas moins originaux. Selon moi, Thierry est un stratège de l’espace, tant dans son Anglaise adorée, que dans la Philidor ou la Vieille Indienne et le gambit de Budapest (aucune défaite !) qu’il a tant jouées. Plus tard aussi, avec la Caro-Kann à sa façon, ou l’Espagnole il a gardé sa vision si particulière de l’espace. Une configuration des pièces et des pions où il peut obliquer, à sa guise, vers un type quelconque de position avantageux, s’il a mieux manœuvré que son adversaire. Cela n’est pas rare, quelle que soit la cadence. Autrement dit, son jeu demande un jugement impérial sur des situations inédites, exige un traitement persévérant et sans le moindre préjugé, pour conduire à la victoire. Telles sont ses qualités et j’ai pu les éprouver (notamment en luttant environ 100 000 fois contre l’Anglaise !) pendant 40 ans.

Sur son cercueil, son frère a posé un échiquier de roses rouges et blanches, et dressée tel un phare, sur la case c4, la rose blanche de sa destinée.

Trois parties caractéristiques de son style, contre Legky,N en 1994 et Tregubov,P en 2004 avec les Noirs et contre Kazhgaleyev, M en 2006 avec les Blancs.

bottom of page